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Le 4 février 2O25 par Emmanuel Deroeux

Olyrix, Nuit en tête, Nuit intime à l’Opéra de Massy

En résidence de création à l’Opéra de Massy, l’Ensemble TM+ invite à un curieux voyage de l’écoute à travers les époques et au cœur de la nuit. Une soirée intime et délicate menée par Laurent Cuniot et en complicité attentive avec la soprano Raphaële Kennedy.

À la tête de son Ensemble TM+, le compositeur et chef d’orchestre Laurent Cuniot explore les époques et les styles, brouillant les frontières et tissant des correspondances inattendues. Ce soir, à l’Opéra de Massy, il mêle musiques des XVIe, XVIIe et XXe siècles. Le fil conducteur de ce programme en est l’invitation à la poésie nocturne. Les lumières de Christophe Schaeffer participent ainsi aux sonorités délicates et intimistes du clavecin tempéré mêlées à celles énigmatiques des percussions et du célesta. Violon, alto, flûte, clarinette et violoncelle apportent chacun son timbre avec néanmoins une homogénéité d’ensemble. Dans les œuvres d’ensemble, ils se laissent guider par la direction précise et souple de Laurent Cuniot. Dans les œuvres faisant appel à moins d’instruments, ils parviennent à s’auto-diriger et à assurer leur profonde attention aux phrasés. Le souffle musical et la continuité du programme reposent en grande partie sur Yannick Varlet et son clavecin. Par ses transitions habilement improvisées, il permet cette cohésion avec pour œuvre centrale la Passacaglia ungherese de Ligeti. Avec ce qui pourrait passer pour de la malice mais qui est en réalité une véritable proposition de couleurs, en jouant des tensions de son clavier tempéré, certains accords, loin de sonner faux, intriguent l’oreille par leur teinte singulière.

Cette précision technique et musicale, au service d’une véritable narration, Raphaële Kennedy l’incarne encore davantage. Avec un timbre clair, quasiment cristallin, et toujours très sûr, elle assure des parties d’une grande difficulté avec pourtant une grande aisance. Seuls la trahissent son attention précise et ses brefs regards concentrés lors de l’audacieux La Nuit en tête de Georges Aperghis. Ses sauts de registre dans Two Inger Christensen Songs de Hans Abrahamsen montrent une maîtrise vocale sans défaut par un subtil équilibre de sa projection. Ses pianissimi ont une grande présence et douceur. Aux côtés de ces œuvres modernes, See, even night herself is here de Purcell et J’avois crû qu’en vous aymant d’un anonyme du XVIIe siècle font office de respirations par leurs mélodies élégantes, avec pour sommet l’hypnotisante berceuse Canzonetta spirituale sopra alla nanna de Tarquinio Merula.

L’auditoire pourrait s’étonner que la soirée s’achève sur une chanson douce mais insuffisamment apaisante pour plonger dans une nuit profonde, et c’est dans cet état de bercement que le public applaudit néanmoins, conquis par la virtuosité de l’ensemble et la pureté de la voix de Raphaële Kennedy.