Projets

Lukas Hemleb, Laurent Cuniot, Pascal Adoumbou

Vanishings [Disparition(s)]

DISTRIBUTION

 

Lukas Hemleb, conception et mise en scène

Pascal Adoumbou, direction musicale

Laurent Cuniot , arrangement pour ensemble du journal d’un disparu

Margherita Palli, scénographie

Bianca Sarah Stummer, costumes

Luca Scarzella, vidéo

 

Jonathan Hartzendorf, ténor

Angela Simkin, mezzo-soprano

Chœur composé de trois voix de femmes

Distribution issue de la troupe de l’Opéra de Linz (Aut.)

 

Ensemble TM+

Géraldine Dutroncy, piano

Anne Ricquebourg, harpe

Florent Jodelet, percussions

Noëmi Schindler et Maud Lovett, violons

Marc Desmons, alto

Florian Lauridon, violoncelle

Charlotte Testu, contrebasse

 

Marie Delebarre, régie générale

Yann Bouloiseau, son

Durée 1h15

Leos Janáček, Journal d’un disparu (arrangement Laurent Cuniot)
pour ténor, alto, trois voix de femmes (s, ms, a) et piano, harpe, percussions, 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse.

Thomas Adès, Növenyék pour mezzo-soprano et piano, 2 violons, alto, violoncette, contrebassse.

Darknesse Visible pour piano

 

Création

Ma pauvre tête, elle est en flammes”, chante Janíček, héros du Journal d’un disparu. “Je voudrais que l’aube ne vienne jamais pour que je puisse aimer à jamais.” Quand l’amour devient vertige, quand le désir défie la raison, la vie bascule. Quand l’amour bouleverse l’ordre du monde, il peut mener à l’extase autant qu’à l’abîme.

Vanishings – Disparition(s) est un opéra de l’intime, une plongée dans l’instant où tout se défait. À travers Le Journal d’un disparu de Leoš Janáček et Növenyék de Thomas Adès, ce projet explore la frontière ténue entre passion et destruction, entre amour et disparition.

Le Journal d’un disparu, cycle de mélodies de Janáček pour ténor, alto, chœurs féminins et piano, nous entraîne dans le tourment d’un jeune paysan, prêt à tout abandonner pour suivre une femme qui l’obsède. Une voix solitaire, quelques échos féminins, un piano qui semble lui-même se consumer… En moins d’une heure, cette œuvre à la théâtralité fulgurante nous fait traverser le désir, la culpabilité et la perte dans une confession musicale aussi bouleversante que brève.

Un siècle plus tard, Thomas Adès, compositeur, chef d’orchestre et pianiste, fait entendre un écho saisissant à cette errance intérieure. Son cycle Növenyék, inspiré de poètes hongrois du XXe siècle, tisse une trame parallèle où la nature devient le miroir d’êtres voués à l’oubli. Sa musique, sensuelle et incandescente, dialogue avec Janáček et tisse une dramaturgie parallèle où la nature devient métaphore de la condition humaine et de la disparition.

Sous la direction de Pascal Adoumbou et dans l’arrangement de Laurent Cuniot du Journal d’un disparu , l’ensemble TM+ crée un espace sonore inédit : les instruments d’Adès viennent singulièrement s’immiscer dans la partition de Janáček, créant un réseau de résonances subtiles. Dans cette mise en scène intimiste, la musique elle-même se transforme. Le piano du Journal d’un disparu s’ouvre progressivement aux sonorités des pièces d’Adès, créant un pont entre ces deux univers. Ce projet propose une nouvelle approche de Janáček, le révélant comme un compositeur d’une modernité saisissante, et place Adès dans une continuité qui le lie au répertoire lyrique du début du XXème siècle.

Ici, point de fresque monumentale, mais des fragments d’existence saisis au seuil du gouffre. Un opéra qui n’en est pas un, mais où la tension dramatique est à son comble. Une œuvre en suspension, où chaque note semble posée sur le fil du vertige.

Le Journal d’un disparu (en tchèque : Zápisník zmizelého) de Leoš Janáček

Composé en 1917, ce cycle de chants met en musique des poèmes anonymes publiés en 1916, racontant la fuite d’un jeune homme avec une femme tzigane, loin de sa famille et de son village. Œuvre profondément théâtrale, elle évoque un opéra en miniature : une voix ténor, habité par la fièvre du désir, une voix féminine envoûtante, trois voix de chœur comme échos lointains d’un monde perdu, et un piano aux accents tourmentés.

Léos Janáček occupe une place singulière dans l’histoire de la musique : à l’écart des grandes traditions dominantes de son époque, il a suivi une voie résolument personnelle, affranchie des modèles académiques et des courants esthétiques occidentaux. Longtemps méconnu, son génie n’a été pleinement reconnu qu’un demi-siècle après sa mort. Aujourd’hui, il est une figure incontournable du répertoire lyrique, avec des œuvres comme Jenůfa, Káťa Kabanová, La Petite Renarde rusée ou De la maison des morts, qui s’imposent de plus en plus sur les scènes internationales.

Compositeur profondément enraciné dans la culture slave, Janáček a puisé avec rigueur et sans compromis dans la musique populaire morave pour forger un langage musical d’une liberté exceptionnelle. Son écriture, à la fois rugueuse et bouleversante, allie un lyrisme âpre à une expressivité fulgurante, défiant les cadres conventionnels du romantisme et annonçant les grandes évolutions du XXe siècle. Contemporain de Puccini, il est pourtant perçu comme un précurseur de la modernité musicale, projetant son influence bien au-delà de son temps.

Dans Le Journal d’un disparu, il explore une veine plus intime et introspective, où la frontière entre musique et théâtre s’efface au profit d’une expressivité intérieure d’une rare intensité. Son œuvre, longtemps regardée avec autant de fascination que d’incompréhension, continue d’irradier sur la musique d’aujourd’hui, témoignant d’une modernité toujours vivante et inspirante.

Plantes (en hongrois: Növenyék) de Thomas Adès

Thomas Adès, né en 1971 en Angleterre, s’affirme comme une figure majeure de la scène lyrique contemporaine, faisant éclater les frontières souvent restreintes de la musique contemporaine pour l’inscrire dans le grand répertoire. Avec des opéras audacieux et visionnaires, il renouvelle profondément le langage lyrique : La Tempête, inspiré de Shakespeare, triomphe à l’Opéra de Vienne, tandis que The Exterminating Angel, créé en 2016 à Salzbourg et repris au Met de New York, captive désormais le public de l’Opéra Bastille.

Sa musique, d’une richesse harmonique et texturale remarquable, conjugue complexité et immédiateté expressive. Résolument contemporaine sans être hermétique, elle déploie une sensualité sonore qui saisit l’auditeur sur le plan émotionnel avant même l’appréciation intellectuelle. Adès incarne ainsi l’idéal du musicien total : compositeur, chef d’orchestre et pianiste accompli. Son engagement artistique transparaît dans ses choix d’interprète, notamment à travers son attachement à l’œuvre de Janáček. Son enregistrement du Journal d’un disparu, où il accompagne au piano le ténor Ian Bostridge, témoigne avec éloquence de cette affinité profonde avec le compositeur tchèque, dont la force expressive et l’inventivité résonnent avec sa propre sensibilité musicale.

Composé entre 2020 et 2022, ce cycle de sept chants met en musique des poèmes de quatre poètes hongrois du XXe siècle (Attila József, Miklós Radnóti, Sándor Weöres et Otto Orbán). “Növenyék” signifie “plantes” dans le sens de “choses qui poussent”, et chaque poème utilise des images botaniques comme métaphore de l’existence humaine.

Radnóti, poète juif hongrois assassiné pendant la Seconde Guerre mondiale, a vu ses derniers poèmes retrouvés dans sa poche après l’exhumation de son corps. Ce cycle de chants d’Adès s’inscrit ainsi dans une réflexion sur la disparition, en parfaite résonance avec l’errance du héros de Janáček.

Darknesse Visible de Thomas Adès

Pièce pour piano seul, Darknesse Visible est une réinterprétation déchirante d’une chanson de John Dowland (In Darkness Let Me Dwell), où le compositeur joue avec la mémoire et la fragmentation. Sa présence dans le projet prolonge cette exploration d’une musique hantée par l’absence.

Un dialogue musical et théâtral inédit

Le projet Vanishings – Disparition(s) ne se contente pas de juxtaposer ces œuvres : il les fait interagir. La mise en scène et la direction musicale s’attachent à tisser un fil dramatique entre ces fragments d’histoires. Peu à peu, la voix du ténor de Janáček semble convoquer les chants d’Adès, comme des réminiscences ou des échos du futur. Les instruments du cycle Növenyék apparaissent progressivement, venant enrichir la texture musicale du Journal d’un disparu et l’ouvrant vers une autre dimension sonore.

Ces morceaux sont autant d’éclats de vie et d’identité, surgissant comme de brèves scènes musicales qui explorent la solitude de nos cœurs dans le monde d’aujourd’hui. Ils esquissent une mosaïque d’histoires fragmentées, comme des opéras en gestation, suspendus entre expression et mystère. Leur force tient à cet équilibre fascinant : un épanouissement intime qui ne se livre jamais totalement, laissant à l’auditeur le soin d’en deviner les contours et d’en prolonger l’écho.

Opéra de Massy

Opéra de Linz

Opéra de Modène

Ensemble TM+ / Maison de la musique de Nanterre – Scène conventionnée d’intérêt national– art et création – pour la musique